Chronique de Cyril Dhénin, Directeur du pôle éditorial chez Brainsonic

« Content is king ! » clament maintenant les directions marketing. Encore faut-il inscrire dans la durée cette production. Un exercice à risque pour les entreprises. Comment construire une stratégie de contenu durable ? Peut-être en se tournant vers nos séries télé préférées…

Vu le nombre de blogs, de slideshares et de groupes de discussion dédiés au sujet, difficile d’ignorer que stratégies de marketing et de contenus vivent actuellement une grande histoire d’amour. Mais dans le cas présent, le cœur a ses raisons que la raison connaît parfaitement bien : puisqu’il n’est plus question d’adresser des segments de clientèle mais de converser avec des communautés, puisqu’il n’est plus question d’essayer de convertir à grand renfort d’opérations de type « market bombing » mais d’engager ses prospects, tout le monde a bien compris que le contenu est la clé. « Content matters ! », « content is king ! » clament les « VP Marketing » opportunément rebaptisés « VP Content & Marketing ». Cela suffira-t-il pour assurer une production de contenu efficace ? Rien n’est moins sûr…

 Qu’attend une marque d’un marketing « content-centric » ? De gagner en légitimité sur des domaines en affinité avec ses produits ou services pour être écoutée. De voir ses prises de paroles reconnues et propagées. De transformer ce crédit en engagement. Problème : ces objectifs ne peuvent être servis que par une stratégie planifiée dans la durée – au-delà donc du « quarter fiscal », ce qui dans un contexte d’entreprise est effectivement très long. Pourquoi est-ce un problème ? Parce que, l’expérience passée le montre, les marques ont les plus grandes difficultés à tenir un effort éditorial dans la durée. Une inflexion de la politique commerciale de l’entreprise, une nouvelle gamme produits, un changement de management et boum ! 

La stratégie de contenu devient aussi crédible qu’un vœu formulé lors d’une soirée romantique devant une étoile filante.
En cause, une définition trop conjoncturelle des objectifs de cette stratégie et un manque de pilotage. Pour y remédier, une bonne source d’inspiration consiste à se pencher sur les arches narratives mises en œuvre dans une (bonne) série télé. Regardez Breaking Bad dont les 5 saisons se sont enchaînées sans faiblesse, regardez comment la carrière de Walter White, professeur de chimie improvisé dealer (l’arche principale), nous tient en haleine du début à la fin tandis que chaque saison déploie des arches secondaires attachées à des problèmes momentanés que le personnage principal ou des seconds rôles doivent résoudre.

Fondamentalement, il en va d’une bonne stratégie de contenu comme d’une bonne série. Les arches narratives principales correspondent aux grandes associations que l’on souhaite établir entre la marque et des terrains d’expression. Tout ce qui suit doit servir – ou a minima ne pas desservir – ces arches principales. Quant aux arches secondaires, elles permettent de tirer parti des sujets qui surgissent dans le sillage de ces arches principales. Formulées de manière à garantir une narration sous tension, ces arches sont déclinées sous forme d’angles pour les contenus produits. 
L’ensemble nourrit un tableau de bord régulièrement mis à jour. Objectifs : garantir que chaque contenu produit est bien attaché à une arche, planifier la production de contenus en conséquence et associer aux contenus des indicateurs de performance (du simple nombre de vues en passant par des ratios plus élaborés de coût/engagement). 
Aux commandes de ce tableau de bord, le « content strategist » joue le rôle de gardien du temple. Avec une obsession principale : tenir le scénario au-delà de la première saison…

Tribune publiée sur JournalDuNet.com